Bien avant le soleil

 

Matin gris ou solitude rime avec plénitude, où le plaisir d’être dans ce monde de coton est le maître absolu.
Avancer alors que la neige forme encore une croûte sous mes pas, avant qu’elle ne cède sous l’effet de la douceur, m’avalant la jambe jusqu’au genou.
Inspirer cet air frais qui devrait être glacé en cette saison, mais qui là est juste suffisamment frappé pour me tempérer dans la montée.
Écouter le naturel, je ne dirais pas le silence car le silence est une chose rare, lourde et pesante.
A cet endroit, nul son humain, sauf celui de ma respiration, ou celui de mes pas qui se modifie en fonction du terrain qu’ils foulent; passant du feuilleté des feuilles gelées dans la forêt au son de la neige compressée, instaurant un rythme plus régulier à la mélodie.
Le son du naturel c’est quoi?
C’est celui qui me rassure, celui que j’aime, que je recherche.
Ce matin, c’était un concert presque printanier, inhabituel, voire inquiétant pour la période, de la part des oiseaux.
C’est beau, mais c’est normalement celui de l’intensité des jours meilleurs, des jours après l’hiver…
Tout comme dans une salle de concert ou un orchestre donnerait une représentation, j’ai eu droit dans un site grandiose à l’orchestre philharmonique aviaire, allant des mésanges qui ont toutes un chant différent en fonction qu’elles aient ou pas une huppe sur la tête ou du bleu dans les plumes, en passant par le merle à plastron et comme note dominante, juste un peu en retrait le chant du pic noir interrompu parfois par le martèlement d’un de ses congénères sur un tronc mort, et comme final le croassement guttural du grand corbeau.
En entendant ça, je me suis dit que ça méritait une pause afin d’écouter ce chef d’œuvre naturel, où aucune fausse note n’était possible.
Une souche m’attendait, prête à m’accueillir pour la meilleure des pauses. Souche douillette, surmontée d’un épais coussin blanc, moelleux à souhait où je pris la peine ou plutôt le plaisir de m’asseoir (une fois de plus, je ne sais pas écrire ce mot! asseoir, rime avec déboire pour moi car je n’arrive jamais à l’orthographier correctement. Merci Mr le correcteur d’orthographe 😉 ).
Je pensais que le soleil allait passer les crêtes et assister, tout en me réchauffant doucement, au concert, mais ce n’était qu’illusion car les arêtes déchiquetées ne lui permettent pas de se faufiler si facilement.
Je repris donc mon chemin car de bon matin, il n’est pas bon de s’attarder longtemps sans bouger, même quand le froid n’est pas insistant.
J’ai continué ma route passant de bandes de neige vierge à des coins de forêt retournée par les sangliers en quête de nourriture.
Je marchais là, appréciant cette chance, en laissant mes pensées vagabonder, tout en laissant le nettoyage mental naturel s’effectuer.
Pour une vie saine, il y a deux choses à ne pas négliger; la douche, pour l’hygiène corporelle, et l’effort qui nettoie, laissant sortir par tous les pores de la peau et de l’âme les tracas et souillures internes.
Tout comme au sortir d’une douche où l’on se sent tout propre, après la marche, je me sens propre et saine dans mes pensées.
Je joins à ces mots quelques images de ce beau matin gris où j’ai fini ma balade en me faisant saluer par un petit bonhomme sur le toit.
Je lui ai rendu son salut en souriant de cette belle vision, presque enfantine.

 

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4

1- Gris (je) souris

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2

2- Chemin faisant

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3

3- En attendant le soleil

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1

4- Toits ou lorsque le petit bonhomme me salue en souriant à l’angle des toitures. Cherche bien, là, sur le toit…

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5

5- Couleurs et gris couleurs aigries

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Dans l’air gris flottent les apaisements,
Les résignations et les inquiétudes.
Du sol consterné monte une rumeur étrange, surhumaine.
Cabalistique langage entendu seulement
Des âmes attentives. –
Les apaisements, les résignations, et les inquiétudes
Flottent dans l’air gris.

Symphonie en gris
Marie Krysinska