L’union

 

Quand mon réveil sonna, je me dis qu’il ne fallait pas que je reste une minute de plus au lit car la nuit voulait me piéger. Elle avait déjà joué avec moi en me testant plusieurs fois le long de ces dernières heures et là, je suis certaine qu’elle voulait en finir avec moi en m’attirant contre elle, bien au chaud dans mon lit. Elle voulait me garder. Je ne voulais pas succomber à ce piège moelleux alors il me fallut repousser son appel douillet pour me fondre dans son autre personnalité.
La nuit a plusieurs facettes et ce matin, deux d’entre elles m’appelaient.
Je laissais donc celle où je pouvais baigner dans la douceur et le confort de mon lit ainsi que les doux instants qui allaient avec, pour choisir celle où j’allais poser mes pas dans la nuit sur une neige craquante.
La mise en route ne fut pas difficile et je me laissais guider par la danse lumineuse de la frontale. Au fil de mon avancée, la chaleur de mon corps m’enveloppa, protégée par ma veste qui bloquait les assauts du vent. Ils étaient pour l’instant présents mais pas blessants, par contre je me demandais comment ça allait être plus haut, une fois sur les arêtes.
J’avançais comme lovée de ce monde nocturne que j’aime tant.
Au loin, sur le versant d’en face, la lumière d’une dameuse auréolait la montagne comme si le sol possédait ses propres étoiles.
Le vent s’intensifiait, fort mais pas glacé. Sa présence était un peu pour me rappeler à l’esprit que j’étais là, dans le monde du vrai et que l’espèce à laquelle j’appartenais devait s’adapter à la nature, se fondre en elle en respectant ses lois.
Dans cette nuit ventée, je ne faisais pas partie de l’espèce qui se trouve en haut de la chaîne sur la Terre, mais j’étais une source de vie au cœur de Dame Nature. Je n’avais rien à imposer. Je n’étais qu’un petit maillon vivant qui avançait dans la nuit pour assister au spectacle qu’un nouveau jour qui lève allait offrir.
Le programme n’est jamais défini à l’avance. La seule chose à faire est de savoir prendre conscience de l’instant. Jamais un matin n’est banal. Il peut paraitre commun et se faire dans une simplicité apparente, mais je garde à l’esprit que tous les matins sont une victoire, un jour de plus à vivre, à savourer, à partager. Beaucoup n’ont plus la chance de vivre un nouveau matin. J’étais là, heureuse prête à assister à l’arrivée d’un nouveau jour.
Cette arrivée était déjà particulière dans la nuit car le noir du ciel virait vers un ton violet. La nuit noire n’existait plus. Elle osait derrière les sommets se parer de voiles de plus en plus roses, mêlés à des rouges incandescents.
Je voulais monter plus haut sur la crête pour voir autrement, mais le ciel me stoppa dans un grand éclat de couleurs. Je n’y croyais pas, je pensais que ce n’était pas possible ces tons là.
La nuit s’effaçait, le jour pointait.
Tout fut incroyablement magique et je me suis dit que ce matin là, au lieu que la nuit quitte doucement les lieux pour que le jour s’y installe paisiblement, ils se sont attardés, se mêlant à la bifurcation des instants. Leur union était d’une beauté si intense, qu’elle semblait irréelle.
J’étais là, touchée par la beauté de l’instant.
Où que je regarde, le ciel était coloré par des nuances intenses et diverses.
Petit à petit, le jour s’affirmait, car il fallait qu’il prenne place. La nuit s’en est allée avec ses tons rougeoyants, laissant le jour jaunir pour installer petit à petit un ciel gris.
Si j’étais restée sous ma couette alors que la facette sage de la nuit tentait de m’y retenir, je n’aurais pas assisté aux ébats passionnés que le jour entretenait avec l’autre facette de la nuit.
Un ciel gris, c’est le jour qui ne laisse rien paraitre de ses rencontres avec la nuit.

 

 

1- Préliminaires

 

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2-Rosissements aux sommets

 

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3- Roses

 

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4-Flamboiement

 

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5-Un petit côté boréal

 

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6- Avancée du jour

 

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7- Jaune

 

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8-Dernières touches rosées

 

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9- Le soleil n’est pas loin

 

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10- Gris

 

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11-Spectacteurs

 

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Et laisse au passé ses remords et méfaits
Vis chaque soir comme s’il était le dernier
Car nul ne sait de quoi demain sera fait.

L’équation africaine (Yasmina Khadra)

 

Vivre, c’est d’abord se tenir prêt à recevoir le ciel sur la tête. Si tu pars du principe que l’existence n’est qu’une épreuve, tu es équipé pour gérer ses peines et ses surprises. Si tu persistes à attendre d’elle ce qu’elle ne peut te donner, c’est la preuve que tu n’as rien compris. Prends les choses comme elles viennent, n’en fais pas un drame ni un plat ; ce n’est pas toi qui mènes ta barque, mais le cours de ton destin. »
Les hirondelles de Kaboul (Yasmina Khadra)
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