A peine une heure

La lumière tamisée par le rideau opaque de ma chambre est une douce compagne qui est à mes côtés tous les jours pour me réveiller en cette saison. Elle m’accueille tous les matins et je la remercie pour ce réveil naturel.
Évidemment, l’hiver, je suis debout avant elle.
Par automatisme, je regarde mon réveil qui me répète à peu près les mêmes heures à chaque lever. Je crois que je ne l’ai rarement vu afficher 8h.
Je suis plutôt une habituée du 6 le matin lorsque je n’ai pas d’impératifs comme en ce moment.
Lorsque je dis ça, c’est un peu faux, car le matin, la première activité une fois que j’ai sauté dans mes vêtements qui m’attendent, c’est la balade au calme, à la fraiche avec Louna.
Ça a toujours été une activité agréable, un plaisir matinal, mais là, en cette période, c’est ma bouffée d’air qui me motive pour la journée.
Je traverse rapidement la rue du village endormi pour gagner un passage qui mène au bonheur.
Le bonheur, le mien, il ressemble à quoi le matin?
Il commence par l’air qui joue contre moi, comme un nappage de fraîcheur en contraste avec soi, puis la montée qui mène au champ active la chaleur du corps et fait fondre ce nappage frais.
Bientôt, mes bras ont besoin de respirer, d’évacuer cette chaleur. Je remonte mes manches et je suis bien, attrapée par le frais.
L’herbe, qui la semaine dernière était encore gelée, est perlée de rosée qui glisse sur mes chaussures. Les pissenlits commencent à éclore, les feuilles, en pleine explosion de vie, me balancent en pleine tête leur vert, leur si beau vert, celui qui chaque année me touche si intensément.
La beauté du réveil de la nature m’émeut particulièrement et je sens en moi comme une invasion d’amour. Oui! ça peut paraitre fort, idiot, mais je peux dire que je suis amoureuse de la nature.
Dans cette atmosphère si agréable, je continue à avancer. Je passe le premier torrent qui murmure timidement. La montagne face à moi s’illumine au sommet. Le soleil la tutoie alors qu’il est encore bien loin de notre creux de vallée.
Ce matin, j’ai un peu envie de changer mon tour car même si je suis bien, il serait bon de varier un peu cette sortie matinale. Non pas parce que je m’en lasse, mais simplement pour voir l’évolution sur le chemin voisin.
J’aimerais pouvoir ramasser l’ail des ours qui doit embaumer une portion de forêt, mais il se trouve un peu trop loin et malgré tout, je ne veux pas trop m’éloigner pour ne pas dépasser « les limites », alors ce matin, je décide de prendre le petit sentier caché dans le bois pour modifier ma boucle, pour découvrir.
Au lieu de longer le « gros » torrent, maître des lieux, je le surplombe et comme je chemine en haut, je me retrouve au milieu des arbres qui sont dans la pente. Je le discerne à travers le feuillage et si je lève la tête, je m’aventure sur les sommets.
Que ce point de vue me change de mon tour habituel, comme cette petite différence me fait du bien. J’avance. Je respire. Je sais combien je suis chanceuse.
La chance, c’est aussi un choix, une volonté et des décisions qui mènent à elle. Il y a une part qui n’est pas contrôlable et une part qui nous est donnée, que nous seuls pouvons modeler afin de lui donner une éventuelle forme. C’est comme le destin, nous avons notre part à jouer.
Aujourd’hui, je me suis donnée la cascade comme limite, même si la tentation est immense, je vais respecter mon choix.
Elle est là, je l’entends avant même de la voir. comme un arbre en fleurs parfumerait l’air, elle emplit l’air de sa partition chantante. Comme la sirène attire le marin, son chant me guide à elle. Elle se dévoile, belle, alors qu’elle commence à s’entourer de verdure. La chaleur fait fondre la neige ce qui l’alimente et lui donne du coeur pour chanter bien fort.
Louna en profite pour « pêcher » les cailloux et boire. Elle s’allongera de tout son corps dans le sillage de l’eau en me jetant un regard défiant « alors, petite joueuse, tu ne viens pas me rejoindre?  » Je ferai comme si je n’avais pas croisé son regard et prendrait la décision, après une grande inspiration sereine, de ne pas abuser et de reprendre le chemin dans l’autre sens.
Le sol est tapissé de feuilles brunes voire orangées et leur épaisseur en fait un tapis moelleux qui absorbe le choc de mes pas.
J’aime m’écouter avancer et ce que j’aime surtout, c’est ne pas m’entendre marcher. La branche qui rompt, le pied qui bouscule le caillou ne sont pas forcément positifs. L’idéal est de pouvoir se fondre et ne pas être perturbateur. Là, peut se passer le bonus de la sortie, la rencontre avec un chevreuil, une biche un renard ou tout autre habitant de la forêt. Tout ça, bien sûr si le geai n’est pas dans le coin, car il a le don d’effacer tous les efforts que l’on pourrait faire pour rester discret.
Je l’aime cet oiseau là, mais il avertit toujours tout le monde. Même discrète, lui sait que tu es là et en fait profiter les autres animaux. Combien de fois il m’a nargué en criant à tue tête que j’étais là.
J’entame donc mon retour qui est encore source de découvertes, de plaisirs.
Que le calme est bon et comme il est à son apothéose en ce moment. Hormis le fait de ne pouvoir « aller en montagne » j’aime cette période.
Je ne parle pas de l’horreur de la situation, nous la connaissons tous et la subissons d’une façon ou d’une autre, mais comme je suis une personne qui aime partager le bon, je n’en parlerai pas.
J’avance en profitant du bon, je l’emmagasine; ça ne sera que force supplémentaire lors des attaques de la vie.
Aimer vivre, savourer la vie est l’objectif à avoir. C’en est même une forme respectueuse envers ceux qui ne peuvent savourer.
Comment oser « gâcher » la richesse qui nous est offerte?!!!
N’ayant pas mon appareil photo avec moi, j’utilise tous ces jours mon portable pour capter l’instant. Pas de « grandes » photos, mais mon bonheur du quotidien.
Je vous en offre un peu, si cela vous tente.
J’espère qu’il vous apportera une petite pointe de douceur, de bien être.

 

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Dans mon périmètre, avec mon téléphone portable :

 

Le matin

             

 

           

 

      

 

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La journée

 

         

 

          

 

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Le soir :

 

       

 

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Clin d’œil

Elle, moi et le Symbole d’une saison de ski abandonné